Participants à la démarche des Banquets Citoyens Expérimentaux qui sera engagée cet été, Salim Quinsac et Thierry Fouqué, tous deux issus du Val de Loire, ont bien voulu nous parler un peu plus de la démarche sous la lumière de Leslie Fefeu, chargée de mission de la démarche Congrès pour la Fédération des Centres Sociaux et socioculturels de France.
En quelques mots, Leslie pourrais-tu nous présenter la démarche des Banquets Citoyens Expérimentaux ?
Leslie Fefeu : La démarche Banquets Citoyens Expérimentaux, c’est une expérimentation qui est portée par 31 territoires en amont de la campagne des 150 banquets qui auront lieu en 2022. Cette campagne constitue le cœur de la démarche Congrès. Ces Banquets Citoyens Expérimentaux sont des événements qui se déroulent en plein air et donc dans l’espace public afin de s’adresser à tous. L’enjeu est non seulement de mobiliser les habitants mais aussi d’impliquer la jeunesse dans une démarche qui revêt une dimension culturelle ainsi que conviviale et festive. Ces événements sont l’occasion de discuter et de débattre de justice sociale et de démocratie dans le cadre d’une expérience qu’on espère être la plus positive pour les organisateurs et les publics. On tient beaucoup à transformer les territoires de manière durable afin que ces Banquets soient le point de départ pour créer une société plus juste avec les centres sociaux.
Salim et Thierry, de votre côté, pouvez-vous nous dire ce qui vous a motivé à rejoindre cette démarche ?
Thierry Fouqué : Personnellement, je suis impliqué dans le système fédéral de Joué-les-Tours depuis très longtemps puisque lorsque j’ai débuté, un de mes premiers objectifs, était de suivre le regroupement des sites afin d’être plus fort ensemble. Tout est parti de là. Aujourd’hui, je suis toujours dans le réseau notamment en tant qu’administrateur de la Fédération et référent Congrès. C’était donc une évidence pour moi de rejoindre cette démarche, car au-delà de faire sortir les CS de la vision qu’on peut en avoir en tant que lieu de services et de lieux culturels, cela m’intéresse beaucoup de travailler à cette démarche d’expression, de liberté et d’ouverture.
Salim Quinsac : Je travaille pour un Espace de Vie Sociale qui est basé à Reignac qui doit faire partie de la Fédération depuis 2 ou 3 ans. Ce qui s’est passé c’est que la présidente participait à ses réunions et il y a eu une volonté que les salariés se saisissent de ces enjeux. Or depuis peu, je suis chargé de développement de projets jeunesse et dans ce cadre-là, notre participation à la démarche des Banquets Citoyens Expérimentaux trouve tout son sens puisque j’ai déjà pu organiser plusieurs manifestations avec des jeunes et co-construire ce type de projet. Je suis ravi de participer à cette expérience car cela me permet d’avoir un œil plus technique et proche du terrain car quand on est au contact du public, on a plus de facilité à les mobiliser et à trouver des actions qui ont du sens pour eux.
Leslie tu as parlé d’une transformation durable des territoires, Thierry vous avez parlé d’une sortie de la vision de « maison de services » qu’on peut avoir des centres sociaux et Salim vous avez souligné l’importance de la proximité du terrain dans les centres. En s’appuyant sur ces différents éléments, que pensez-vous que les Banquets Citoyens Expérimentaux vont pouvoir permettre à une échelle locale ?
T : Déjà, cela va nous permettre de voir que nous faisons partie d’un réseau. Ne serait-ce que dans le nôtre, nous avons déjà collaboré et on a pu voir qu’on avait les mêmes visions. La deuxième chose, c’est que cela va pouvoir l’image des centres sociaux que j’ai précédemment évoqué en montrant que dans les centres on peut débattre d’un peu de tout. On peut aborder des sujets collectivement et faire bouger les choses.
S : Je rebondis sur le besoin de travailler ensemble car des réseaux, il en existe énormément, et là, le fait de faire partie d’un réseau spécifique aux centres sociaux et aux espaces de vie sociale, cela va permettre d’adopter une autre dimension. Déjà, c’est hyper important de travailler ensemble mais aussi cela va souligner des valeurs qui ne sont pas présentes dans d’autres réseaux où il y a des collègues qui travaillent dans des mairies ou pour des communautés de communes. On œuvre tous dans le même sens mais pas forcément avec les mêmes outils et cela va pouvoir permettre de souligner la singularité de ceux des centres sociaux.
L : Effectivement, dans l’idée, les Banquets sont l’occasion d’avoir un événement qui donne à voir. C’est déjà nous montrer nous-même en montrant ce qu’on est capable de faire et ce qu’on fait déjà sur nos territoires, les lignes qu’on veut bouger et comment on souhaite le faire. Mais c’est aussi montrer le rôle et la contribution des centres sociaux et des fédérations en tant qu’acteur démocratique sur les territoires. Aussi, à travers les Banquets Citoyens on aspire à donner à voir à l’extérieur, à d’autres personnes et à d’autres sphères comme le grand public et celles et ceux qui ne fréquentent pas encore les centres sociaux. C’est vraiment un mécanisme à double sens.
Pour rentrer dans le concret, la démarche des Banquets Citoyens Expérimentaux, c’est vraiment une démarche libre que tout le monde peut adapter à son territoire et à ses spécificités locales. De votre côté, qu’avez-vous décidé de mettre en place ?
T : Malheureusement, le contexte fait que notre affaire est un peu à géométrie variable donc on essaie de s’adapter au maximum. Pour présenter les choses simplement, nous avons élargi l’idée du banquet même si on a morcelé les éléments qui le constituent en espérant pouvoir en garder un maximum (avec/sans festivités, avec/sans repas). L’idée est donc d’avoir un village sur une après-midi avec une agora centrale et différents types d’animation dont le débat est au cœur. A titre d’exemple, on aura un endroit qu’on va appeler « le lavoir » où on viendra se laver des fausses idées, des préjugés, des fake news… On aura également un espace plus de revendication où chacun pourra fabriquer une pancarte de revendications pour le débat mais également un espace dédié plus à la famille, à l’enfance. Aussi, il y aura une agora centrale où viendront se succéder au fil de l’après-midi différents débats de gens présents mais aussi des débats plus institutionnels avec des invités. C’est tout ce cheminement qui devrait nous amener doucement vers un grand banquet qui fera la transition entre ça et l’amendement festif pour terminer la journée.
S : Avec des concerts
T : Oui, on a déjà pris des contacts avec d’autres réseaux culturels. On va également mettre en place un espace culture avec des bibliographies, des outils et d’autres choses qu’on aurait déjà fait dans le réseau et qui pourront faire le lien.
S : La volonté, c’est aussi de faire venir des partenaires, que cela soit par exemple pour des questions de droits de l’enfant. Et il y a aussi une volonté de rendre ce débat accessible et de le simplifier au maximum et de le rendre ludique pour qu’on soit sur un moment joyeux mais où on peut néanmoins se poser des questions sur le sens de la vie.
T : D’ailleurs, on sait déjà qu’il y aura un groupe de jeunes présent qui va couvrir l’événement sous format vidéo.
Ces différentes activités et la façon dont vous voyez votre Banquet Citoyen Expérimental, de quelle manière est-ce que cela va vous permettre de creuser les questions de démocratie et de justice sociale ?
S : Je pense que c’est le public qui va nous le dire. C’est à la fois leur revendication et les échanges qu’on aura eu avec eux qui compteront. Nous, on ne prétend pas avoir des réponses, on est juste là pour recueillir la parole. C’est de là qu’on pourra commencer à entamer un travail de fond.
T : Si on prend l’exemple de l’atelier de revendications avec chaque personne qui fabrique sa pancarte, rien que ça ce sera un indicateur. Si les gens s’engagent dans une thématique, la développent et viennent rajouter leur opinion, on va vite s’apercevoir de ce qui leur tient à cœur et de ce qu’ils voudraient creuser avec nous car ça les préoccuper. Finalement, nous nous ne faisons que de la mise en forme. On apporte des conditions qu’on espère être idéales pour que les personnes puissent se sentir légitimes de s’exprimer. Tout le monde a quelque chose à dire.
S : Nous sommes les organisateurs d’un diagnostic festif.
L : Effectivement, les banquets vont tous avoir des formes différentes car même si la dynamique a une origine nationale, chacun apporte son enjeu à l’échelle locale et territoriale. Au niveau national, nous n’avons aucun cahier des charges par rapport à l’organisation des banquets et c’est très important pour que chaque territoire puisse faire des propositions qui soient adaptés et en accord avec les préoccupations des habitants. Il s’agit d’avoir un espace de libre expression et de pouvoir échanger sur des sujets en créant les conditions les plus propices à libérer cette parole.
En tant qu’expérimentateurs, quels sont les conseils que vous voudriez donner aux personnes qui souhaiteraient suivre vos traces ?
T : Déjà, il ne faut pas perdre trop de temps.
S : Oui, prenez y vous en amont le maximum.
T : Il faut aussi être pas mal organisé. A notre échelle, c’est assez complexe car nous sommes plusieurs centres de villes différentes donc cela demande une bonne organisation car il ne faut pas que cela parte dans tous les sens.
S : J’ai envie de dire qu’il y a un important travail de pilotage qui doit être fait pour mettre autour de la table plein de centres sociaux et d’espaces de vie sociale qui ont chacun leur propre problématique territorial. Là, on évoque le cas de notre territoire qui est gigantesque mais effectivement, les problématiques des gens qui habitent à Joué-les-Tours ne sont pas les mêmes que celles de ceux qui habitent à Reignac. Il faut donc déjà réussir, entre professionnels, à débattre. Le premier pas vers la démocratie a lieu entre nous pour décider de ce qu’on fait et de ce qu’on choisit. Cela laisse des déçus et des contents mais il faut être prêt à faire des concessions et à y aller quand il faut y aller.
T : Au final, c’est une démarche assez nouvelle. Je ne suis pas sûr de l’avoir déjà vécu. Le fait de faire un pas de côté et de se dire qu’on n’est pas là pour parler de nos actions mais pour parler d’un système, d’une fédération, d’un équipement qui selon ses spécificités doit s’adapter mais s’ancre dans les mêmes valeurs. Mine de rien, faire ce petit pas de côté, ce n’est pas si évident que ça.
L : Je vais rebondir sur la phase de concertation et de préparation mais il est vrai que pour le coup, pour les expérimentateurs, elle est assez réduite alors qu’il faut s’emparer de différents sujets, de l’organisation et de son pilotage. Je pense qu’il y a donc une coordination qui doit être assez importante et assez incroyable à mettre en œuvre et cette dimension doit rester collective. Cela va permettre de conforter des relations et des coopérations qui existaient auparavant mais aussi d’en initier de nouvelles en se découvrant l’un l’autre. Même si nous faisons partie du même réseau, c’est l’occasion d’aller plus au fond des choses. Comme disait Salim, c’est important de voir qu’est-ce qui fait commun en respectant et en écoutant mais aussi en prenant en considération les spécificités de chacune des structures concernées.
Finalement, le Congrès, c’est quoi pour vous ?
T : Déjà, c’est une famille qui se réunit. Ce n’est pas si souvent que ça. C’est la grande cousine de l’année 2022. Je pense aussi que cela va prendre toute une saveur et une couleur particulière par rapport à la période qu’on vit en ce moment. Se réunir, se rencontrer les uns les autres, se conforter mutuellement. On est quand même souvent seul dans son coin et là on s’aperçoit qu’on a tous les mêmes problématiques, les mêmes portes aussi. Le Congrès se joute plutôt du côté de la force : pour y avoir participé plusieurs fois, on arrive avec une problématique, on repart quand même avec une porte.
L : De ce que j’ai pu en voir, on est vraiment sur un élan collectif incroyable et on est aussi dans une grande fête. Je pense que cela va être un moment de rassemblement assez fort et assez dense. Au-delà de tous ces ingrédients, de toutes ces expérimentations, que les expérimentateurs auront accumulé et qu’on souhaitera partager tous ensemble, ce sera aussi l’occasion de se projeter dans le futur projet fédéral du réseau qui va aussi poser les grandes lignes de notre engagement et de nos grandes orientations pour les prochaines années. Ça peut être très structurant et très stimulant. Et puis on va aussi célébrer le centenaire de la Fédération nationale !
S : En en ayant jamais vécu, cela reste assez flou pour moi. Ça va être quelque chose d’énorme effectivement, je reprends ce qui a été dit, c’est une fête pour les 100 ans et c’est aussi l’occasion de donner à voir ce qu’on sait faire, ce qu’on peut faire. Et à la fois, je reviens sur cette question du diagnostic, peut-être que cela sera l’occasion de réunir aussi des gens qui ont fait plein de banquets expérimentaux et de voir s’il y a de grandes tendances qui intéressent la population pour les regrouper et les analyser. Ce sera l’occasion de se poser les bonnes questions pour savoir ce que va devenir demain.